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Garderies : pourquoi les autres provinces n'ont-elles pas suivi le Québec?

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Author: 
Fillion, Gérald
Format: 
Article
Publication Date: 
16 Apr 2018
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EXCERPTS


N'est-il pas étonnant de constater que le système de garderies subventionnées du Québec n'a jamais été copié ailleurs au Canada? Pourtant, quantité d'experts s'entendent pour dire que le réseau des CPE est un succès et, quand on se compare aux pays de l'OCDE, on constate qu'il est dans la norme, pour les États, de soutenir la petite enfance.


Trois chercheurs de l’Institut de recherche en politiques publiques (IRPP) répondent à cette « énigme » dans une étude publiée mardi. « L’exceptionnalisme québécois » (c’est leur expression) en matière de service de garde s’explique, disent-ils, par trois facteurs principaux :


  • la volonté affirmée du Parti québécois de mener à bien cette réforme dans les années 90;
  • la faible polarisation gauche-droite au Québec, qui fait en sorte que le Parti libéral a poursuivi la politique du Parti québécois;
  • et l’organisation des groupes d’intérêts, qui orientent presque toujours leurs actions en ciblant l’État provincial.



Selon Gabriel Arsenault, Olivier Jacques et Antonia Maioni, « la participation relativement faible des mères québécoises a été établie comme l’une des raisons qui ont poussé le gouvernement Bouchard à investir massivement dans la petite enfance » dans les années 90. L’État veut, à ce moment-là, régler un problème « qui n’est pas nécessairement au cœur des préoccupations des décideurs des autres provinces, puisque la participation des mères au marché du travail y demeure élevée, même sans politique familiale ambitieuse ».


L’ambition québécoise n’est donc pas partagée par les autres gouvernements au pays. Sauf pour quelques exceptions, il n’y a pas eu de tentatives assumées de copier le Québec ailleurs au Canada au cours des deux dernières décennies. Les experts expliquent cela par le fait que « dans le reste du Canada, les acteurs de la société civile tendent plutôt à se tourner vers le gouvernement fédéral dans ce domaine ».


Les auteurs donnent l’exemple de la Fédération des femmes du Québec, qui « milite depuis 1965 pour des investissements publics du gouvernement provincial dans les garderies au nom de l’émancipation des femmes ». Ailleurs au pays, « de façon générale, les féministes canadiennes concentrent leurs efforts sur l’État fédéral ».


De plus, « les fonctionnaires québécois gardent jalousement les compétences provinciales, alors que les fonctionnaires des autres provinces préfèrent une approche plus collaborative avec le gouvernement fédéral, quitte à ce que ce dernier empiète sur les compétences provinciales ».


Des critiques qui ont freiné l’intérêt


Selon l’étude de l’IRPP, les études critiques du programme québécois ont contribué au manque d’intérêt pour le système des garderies subventionnées. « L’utilisation limitée de l’expertise scientifique lors de réformes des services de garde des provinces canadiennes », le déséquilibre fiscal entre les provinces et le gouvernement fédéral et les crédits d’impôt fédéraux pour les parents « n’incitent probablement pas les provinces à investir dans les services de garde », selon les auteurs.


Les investissements publics dans les services de garde sont passés de 716 $ par enfant en 1998 au Québec à 3954 $ en 2003. En 2014, ils atteignaient 4817 $, contre 1106 $ en Ontario, 854 $ en Alberta et 868 $ en Colombie-Britannique.


« En 2016, les frais mensuels de services de garde étaient de 168 $ à Montréal, de 1292 $ à Vancouver et de 1758 $ à Toronto pour les enfants de 2 ans et moins. [...] Les frais de garde au Canada hors Québec sont d’ailleurs parmi les plus élevés des pays membres de l’OCDE. »


Et aujourd’hui, le taux d’utilisation des services de garde est de 58 % au Québec contre 46 % dans la moyenne canadienne.


Un retard étonnant


Les auteurs s’étonnent du retard canadien en cette matière parce qu’il y a, actuellement, « une forme de consensus international sur l’importance de l’investissement en services de garde pour favoriser l’emploi des femmes, augmenter le capital humain futur des enfants défavorisés, promouvoir l’égalité des chances, réduire la pauvreté infantile et même assurer la viabilité financière de l’État-providence à long terme ».


« Toutes les recherches, écrivent-ils, concluent que la politique québécoise de garderies à tarifs réduits a entraîné une hausse significative de la participation des femmes au marché du travail. [...] Au Québec, le taux de participation au marché du travail des mères d’enfants de 3 à 5 ans est passé de 67 % en 1998, soit à l’avant-dernier rang des provinces canadiennes, à 82 % en 2014, au deuxième rang des provinces canadiennes. Pendant cette période, la moyenne canadienne du taux a augmenté de 71 % à 77 %. »


Alors, deux choses à retenir : 20 ans plus tard, avec une recension exhaustive des études réalisées sur le sujet, les auteurs du rapport de l’IRPP arrivent à la conclusion que les garderies ont été bénéfiques sur le plan social au Québec, mais que des composantes politiques semblent avoir freiné l’intérêt des autres provinces à développer un tel réseau.


Et puis, on pourrait ajouter à toutes les explications des auteurs que les garderies ont été lancées dans un contexte d’austérité budgétaire alors que le gouvernement de Lucien Bouchard voulait atteindre à tout prix le déficit zéro. Cet engagement a peut-être poussé le premier ministre de l’époque à lancer plusieurs mesures sociales dans le but d'atténuer les effets des compressions avec les garderies à 5 $, le Chantier de l’économie sociale, l’assurance médicaments et l’expansion des congés parentaux, notamment.


-reprinted from Radio-Canada

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